Retour aux bases!

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La démocratisation de l’entraînement en sports d’endurance a certes amené son lot d’avantages, mais aussi, une complexification inutile du domaine. Par démocratisation, j’entends ; l’accès à des outils technologiques (GPS, fréquence cardiaque, capteur de puissance, logiciel & plateforme en ligne), ainsi qu’une grande quantité d’information, parfois contradictoire, sur le sujet.

Par complexification inutile, j’entends ; porter une attention aux fins détails et mettre beaucoup trop d’énergie sur des variables qui n’auront peu ou pas d’impact, au final, sur la progression.

Les avantages, tout de même!

Avant de vous déballer toutes les raisons pour lesquelles on devrait revoir l’utilisation que l’on fait des données d’entraînement, je tiens à préciser que ces dernières sont utiles, complémentaires et qu’elles peuvent faire une énorme différence dans des contextes que nous verrons plus bas. Voici quelques exemples de la plus-value que l’on peut tirer des données d’entraînement :

  • Elles nous permettent de quantifier la progression d’un(e) athlète à court, moyen et long terme.

  • Elles nous permettent de mieux structurer et gérer nos séance d’entraînement, en agissant comme repères externes à l’effort.

  • La saison intérieure de vélo est mentalement plus “facile” à encaisser, ainsi que plus “productive” (même, parfois trop…) merci aux différentes plateformes permettant de s’occuper l’esprit.

  • Les relations & échanges entre athlètes / entraîneurs sont facilités par l’utilisation des données et plateformes de coaching prévues à ces effets.

    • On a non seulement le côté subjectif (la perception de l’athlète par rapport à ses sensations), mais aussi, les données brutes (qui nous permettent de faire le lien objectif avec ce premier).

La perte des repères.

Je suis toujours surpris lorsqu’on me demande : “Jacob, comment vais-je faire pour m’entraîner à l’extérieur? Je n’ai plus aucune donnée de puissance!?” Ça me fait penser à la phrase qu’on dit à la blague… “If it ain't on strava it never happened”, mais là, c’est pris au sérieux. Ma réponse pourrait simplement être : “magasine-toi un capteur de puissance”. Toutefois, ce serait de sauter une étape cruciale dans le processus d’autonomisation de l’athlète. Ces dernières semaines, j’ai réalisé à quel point beaucoup de cyclistes que j’entraîne à distance n’ont pas un rapport “constructif” avec les données d’entraînement, plus particulièrement celle de la puissance (W).

Une des variables importantes que l’on souhaite développer est celle de la prise de conscience de sa perception d’effort. C’est la capacité de pouvoir déterminer, seulement à l’aide de ses sensations, combien de temps on peut maintenir une intensité X, ainsi que l’effort perceptuel qui s’y rattache, sur une échelle de 1 à 10). En d’autres mots :

  • As-tu besoin d’un thermomètre pour savoir si tu as chaud ou froid?

  • As-tu besoin de connaître l’heure de la journée pour savoir si tu as faim ou si tu es fatigué?

  • As-tu besoin de voir que tu es à 420w pour savoir que tu vas frapper un mur dans 180 secondes?

Tu as probablement répondu non à ces 3 questions, mais la ligne est mince entre “savoir reconnaître ses propres signaux corporels”, ou simplement se fier à des chiffres sur un écran. Malheureusement, beaucoup de cyclistes débutent leur première saison équippés comme un adolescent qui sait à peine faire cuire des pâtes, mais qui a à sa disposition tous les outils d’une cuisine moderne. Ce n’est pas pour rien que la stratégie de “pacing” & gestion d’effort est meilleure chez un sportif vétéran VS un néophyte. D’une part, en raison des années d’expérience, mais surtout, parce qu’il n’avait pas tous ces “gadgets” au début de sa pratique sportive.

Des attentes disproportionnées.

Outre la perte des repères, au sens d’utiliser les données d’entraînement comme “des béquilles”, on assiste aussi à un phénomène que j’intitulerais : “l’illusion de la progression linéaire”. Si j’avais à vous résumer ça sous forme d’équation : (Un “Boom” de nouveaux cyclistes + 12 mois de Covid + Zwift = des êtres humains qui progressent physiquement vite vite vite!!!). Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne sont pas équipés avec les connaissances nécessaires et le “background” en sports d’endurance, leur permettant de faire la part des choses entre ce qui est réaliste comme progression, ainsi que les critères à respecter pour maintenir une approche à long terme.

En d’autres mots, beaucoup trop de cyclistes se comparent entre eux et tentent d’augmenter leur “FTP” le plus rapidement possible, afin de rester “On top of the game”, et ce, au courant de l’hiver. Comme si, une fois que t’as atteint une valeur, celle-ci est ton nouveau standard qui ne redescendera jamais… Et non, ce n’est pas parce que ça augmente de 15 watts par mois de décembre à Mars qu’il en sera ainsi pour le reste de la saison. À ce rythme là, tu pourrais te décrocher un contrat professionnel dans 8 mois! Sans vouloir enlever tous les aspects positifs du “gamification de l’entraînement en sports d’endurance”, il n’y a pas assez de sensibilisation par rapport à la réalité que devrait connaître un(e) athlète à travers une saison normale.

Un moyen, pas une fin!

Si ton objectif est d’utiliser l’entraînement intérieur pour devenir un meilleur cycliste, et ce, dans “le vrai monde”, c’est surtout ici que tu devras réajuster tes méthodes et tes attentes. Au contraire, si ton objectif prioritaire est de performer sur l’ensemble du calendrier des courses Zwift et que la saison extérieure ne t’importe peu, alors prends la suite avec un grain de sel! Voici quelques points à prendre en compte :

  • La réalité individuelle et génétique

    • Chaque individu est différent et a un niveau d’entraînabilité et d’adaptation qui lui est propre. Un cycliste peut, en une saison, connaître les gains physiologiques qu’un autre cycliste connaît sur une décennie.

      • Le Vo2max, l’index d’endurance, la typologie des fibres musculaires, la capacité à récupérer d’un stress externe sont, entre autres, des facteurs que l’on ne peut changer (heureusement et malheureusement)

  • La patience, une vertue incontournable des sports d’endurance

    • Même si tu as gagné la lotterie génétique, tu dois comprendre que ton corps se fout pas mal de ton désir de progresser rapidement, et ce, surtout lorsqu’il est question de bâtir ton “moteur aérobique”, soit la capacité à générer une puissance soutenable, sur plusieurs heures, jour après jour.

      • Il y a certaines capacités physiques qui peuvent s’améliorer “plus rapidement” et sur lesquelles beaucoup de cyclistes misent (capacité anaérobique). Cette filière peut affecter positivement la performance des efforts allant de 5 secondes jusqu’à 20 minutes (pas un range définitif). Bien qu’importante, elle complémente la capacité aérobique, qui elle, se bâtit à travers les années d’entraînement (des milliers d’heures consacrées @ 60-75% de ta FTP).

    • J’utilise l’analogie du “party” pour faire comprendre le phénomène auquel se butent certains cyclistes. Imagine que t’as un “party” entre amis qui débute à 20h00 et que t’es déjà bien pompette, chez toi, à 16h00… en pensant que tu vas être encore debout et avoir du fun à minuit.

      • Ça, c’est l’équivalent d’être au top de sa forme en plein milieu du mois de février, à s’enfiler 3-4 courses Zwift par semaine. “Ça feel good”, c’est normal.. mais on s’en reparlera en juillet-août!

      • On verra ça éventuellement, mais un modèle annuel optimal de performance, lorsqu’on fait des courses de vélo d’avril à octobre, ça comprend beaucoup de faible intensité et peu de qualité, et ce, à travers les mois creux de l’hiver.

  • Être “performant(e)” sur Zwift ne fera pas nécessairement de toi un(e) cycliste performant(e) dans le monde réel, et voici pourquoi :

    • Outre la puissance développée, les facteurs de CdA (Coefficient de traînée), issue de la position du cycliste sur le vélo, les capacités techniques, la confiance à manoeuvrer son vélo à travers un peloton, sont, entre autres, des facteurs qui affectent autant, sinon plus, la performance extérieure sur le vélo.

    • La réalité est qu’à l’extérieur, l’objectif est d’aller le plus vite possible, pour le moins de puissance générée, en optimisant un ensemble de variables. À l’intérieur, le but est de pousser dans les pédales, plus fort que tes adverssaires.

      • C’est pour ces raisons que Chloe Dygert (TT world champion, 2019) termine 26e d’une étape de TT au “Virtual Joe Martin Stage Race”.

      • C’est pour ces raisons que Lionel Sanders termine devant MVDP dans une course Zwift. J’admire Sanders pour ses capacités physiques, mais je doute que sa capacité à transférer ce potentiel sur un parcours de course autre que celui d’un triathlon.

      • C’est pour ces raisons que Remco Evenepoel se fait larguer “à la pédale” dans une course virtuel, alors qu’il est dans le sillonnage d’un autre cycliste (comme si ça arriverait à l’extérieur…)

Ce qui compte vraiment!

Bien que les attentes et objectifs diffèrent d’un(e) cycliste à l’autre, voici quelques points clés à intégrer pour les années à venir :

  • C’est normal d’avoir des variations (grandes diminutions et augmentations) au niveau des capacités physiques et c’est même souhaitable!

    • Qui dit baisse de la charge d’entraînement (Volume et/ou Intensité) dit davantage de “capacité à se reposer”. En d’autres mots, un corps reposé, même s’il est momentanément “moins performant”, sera en mesure d’atteindre de nouveaux sommets de performance, à moyen terme (4-8-12-16 semaines).

    • Vouloir rester au top de sa forme, et ce, à l’année longue, est la meilleure façon de stagner au niveau de ses performances. Il faut accepter de voir ses données (dont la FTP) diminuées de sorte à mieux encaisser la suite.

  • La constance est la clé!

    • Par constance, j’entends : bouger régulièrement, stimuler son corps via différents sports & modalités, de sorte à ne pas perdre les acquis fondamentaux.

    • La constance, ça veut aussi dire “être constant dans la prise de période de repos”. Si tu ne t’accordes pas une semaine plus faible en charge d’entraînement, et ce, à toutes les 3-6 semaines, c’est une recette assurée pour éventuellement frapper un mur!

  • Balance adéquatement la quantité VS la qualité

    • Par quantité, je fais référence au nombre d’heures effectué prioritairement en zone d’endurance (Z2, 60-75% de la FTP), là où les bénéfices à court terme sont moindres, mais où le corps est en mesure d’encaisser une charge totale qui, à long terme, amènera l’athlète à un niveau supérieur.

      • L’analogie suivante peut vous aider à contextualiser le principe : Avec un plein d’essence, une voiture parcours plus de distance en roulant @100km/h VS 120km/h. Certes, elle ira légèrement moins vite, mais elle ira plus loin, au final! Ça s’explique par le fait que le coût énergétique est proportionnellement plus élevé à 120km/h VS 100km/h. Il en est de même pour les adaptations en sports d’endurance.

    • Par qualité, je fais référence au nombre d’heures effectué prioritairement en zone près ou au-delà de la capacité de travail, Vo2max & anaérobique (85-150%+ de la FTP), là où les bénéfices à court-moyen terme sont élevés, mais où le coût physiologique l’est aussi!

      • Le travail de qualité devrait être réalisé à l’année longue, en ajustant sa proportion selon la période et les objectifs visés. Sans ce dernier, il est très difficile, voir impossible, de progresser comme athlète en cyclisme (récréatif ou compétitif)

  • Utilise les outils d’entraînement (et l’ensemble des données) comme un moyen et non une fin! C’est le message le plus important à retenir de cette publication.

    • Comprends que le corps n’est pas une machine. Ton niveau de “performance” varie sur une base quotidienne, ce pourquoi tu dois prioritairement te fier à tes sensations!

      • Même si 200w “feel” facile en temps normal et que sur une journée X t’as l’impression que tu pousses 250w, il faut simplement que tu acceptes que ce n’est pas ta journée et que parfois, t’es mieux de rentrer chez toi et de faire une sieste ;)

    • Les données de puissance et fréquence cardiaque sont le reflet externe et interne de ton niveau d’effort, respectivement. Les deux t’aident à mieux gérer tes séances de quantité & de qualité!

      • Pour le travail de quantité (Z2), les données aident à rester dans une zone “confortable”, où il est possible de maintenir une discussion, ainsi que de contrôler sa respiration (2-4/10 de perception d’effort).

      • Pour le travail de qualité (Z3-4-5-6), les données aident à se dépasser physiquement et mentalement, éléments essentiels dans l’accomplissement d’une bonne séance d’entraînement (7-9/10 de perception d’effort).

  • Sans outils d’entraînement (puissance, FC, etc.), il est quand même possible de s’entraîner intelligemment et de manière structurée, en prenant en compte les critères suivants :

    • Intériorise les différentes zones d’efforts et comprends la relation qui existe entre la puissance, la fréquence cardiaque, ainsi que la perception d’effort.

    • Comprends que ce qui amène des adaptations, qu’il s’agisse de “qualité” ou de “quantité”, est le temps consacré @ effort X et que celui-ci dépend du niveau de chacun. Il faut déterminer, selon votre niveau, une dose optimale, qui amènera idéalement une réponse positive!

      • Par exemple, si je consacre 35 minutes @ 115% de ma FTP, lors d’une séance de qualité en Z5, c’est une dose considérable, qui représente un stimuli d’adaptation.

      • Par exemple, si je consacre 240 minutes @ 65% de ma FTP, lors d’une séance de quantité en Z2, c’est une dose considérable, qui représente un stimuli d’adaptation.

    Ici, les seuls outils dont vous avez besoin sont votre tête, un chronomètre, une volonté à vous dépasser dans le plaisir, ainsi qu’un plan d’entraînement ajusté à votre niveau!

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